notion : Négociation

Négociation

« Vous me demandez ma définition, la voici : la négociation est un processus de prise de décision à plusieurs. Cinq mots, et je pense que nous capturons l’essentiel. Car le conflit qu’elle permet de résoudre ne traduit que l’impossibilité momentanée pour des individus de décider de leurs actions communes ; ce blocage de la prise de décision provient autant de la diversité des intérêts que d’un bris de communication. Négocier, c’est tenter de surmonter ce bris pour décider ensemble de ce qu’il convient de faire. Cette définition me semble robuste car elle n’induit aucune dimension morale – la paix vaudrait mieux que la guerre – et focalise le regard sur l’enjeu principal d’une négociation : formuler des choix d’action commune quand chacun est tenté de faire défection. Car négocier, c’est renoncer à des prétentions. Qui accepte d’abandonner ce qui lui semble être son droit ? Nous ne le faisons que parce que nous avons épuisé les autres manières d’atteindre nos objectifs, en constatant que nous n’y parvenons pas, ou que s’alourdit le coût d’obtention du bien ou du droit revendiqué. La recherche du compromis est toujours un second best ; et c’est cela qui fonde l’entrée en négociation : le constat qu’il sera plus sûr, en compromettant, d’obtenir ce bien ou ce droit, en aménageant les modalités de son usage. L’ambiguïté du concept de négociation reflète cet exercice de renoncement, d’une part, et de dépassement, d’autre part : ce qui était exigé ne l’est plus, et ce qui n’était pas envisageable le devient. On désirait x, on se contente de y ; mais, en échangeant avec son adversaire devenant son partenaire, d’autres solutions émergent ; des critères sont établis pour les départager, et l’accord se bâtit sur un scénario z, qu’aucun des protagonistes n’avait alors envisagé. En cessant leur affrontement, au profit d’une confrontation créative, ils parviennent à décider ensemble d’un choix d’action meilleur. » (Thuderoz, 2019)